C’est la première fois qu’un Pontife romain s’adresse explicitement à l’humanité entière pour proposer un dialogue. Prenant appui sur l’écologie, le Pape va au-delà et se penche sur notre civilisation qui dévore la planète. Les deux sont inséparables à ses yeux. Selon François, le désastre écologique – pollution, déchets, changement climatique et ses conséquences – n’est que l’empreinte visible d’un désastre plus profond qui touche l’homme et l’humanité dans leurs natures respectives. Ainsi, il n’y a pas deux crises, l’une sociale et l’autre écologique, mais une seule, celle de notre civilisation qui a oublié que la technique, la finance et l’économie n’ont de valeur que si elles servent la plénitude de l’homme,  et de tout homme.

En (re)mettant l’homme au centre de la crise écologique, le Pape identifie ce qui l’isole de son environnement naturel et se faisant le coupe de sa propre nature. La vitesse des innovations technologiques désoriente aujourd’hui plus qu’elle ne sert, l’opulence consumériste, oppressante dans certaines  parties du monde, pervertit jusqu’à idée de la liberté. A l’autre bout du monde, les déchets asphyxient les pauvres et la course effrénée à la productivité notamment agricole dénature leurs conditions de vie. Le béton des villes les transforme en prisons. Sans la sonnerie d’alarme écologique, l’humanité serait ainsi entraînée dans une spirale du non-sens dont elle a abdiqué le contrôle. La crise écologique est, selon le Pape, un cri de détresse, notamment des plus pauvres: « … la culture du déchet … affecte aussi bien les personnes exclues que les choses, vite transformées en ordures ».

La force de l’Encyclique, en dépit de sa longueur qui peut dérouter certains mais qui pour d’autres est un gage de sérieux, est de proposer un diagnostic systémique montrant que les solutions purement écologiques auront, par nature, une portée limitée, tant que nous n’aurons pas bridé l’activité techno-économique en la soumettant à sa finalité. Le toujours plus devrait céder la place à mieux, et pourquoi pas à la frugalité du « moins c’est plus ».

Aussi déroutant (au sens propre) que soit un tel diagnostic pour le train-train de l’opulence, il est avertissement plus que condamnation. Le monde dit le Pape, est plus qu’un problème à résoudre, il est un mystère joyeux et souligne qu’il « y a tant de choses à faire ». A commencer par les micro-gestes du quotidien et terminer par des changements structurels. Les uns étant inséparables des autres. Le monde ne changera que si les hommes se lèvent. Les croyants ont ici une responsabilité particulière parce qu’ils reconnaissent que la terre est un don divin et parce qu’ils sont majoritaires dans le monde. Ce dénominateur commun, aussi petit soit-il, suffit pour agir ensemble. Et vite.